Flux tendu

Connaissez-vous la sensation que ça fait quand on pose les coudes sur la table au déjeuner, et que la nappe est mouillée? Cette petite grimace alors qu'on relève les bras tout doucement, et que d'un coup d'oeil on inspecte les dégâts sous ses manches? Et ensuite quand on passe son temps à tâter la nappe pendant tout le repas, pour ne pas oublier le danger...

Ici ça arrive assez souvent, non pas que les nappes soient trempées, mais légèrement humides, sur toute la surface. On a longtemps cherché à savoir pourquoi, et les hypothèses abondent. Entre la saleté du client d'avant, l'idée d'un produit antiseptique dans le placard de rangement et d'autres idées, le mystère a plané bien longtemps. Mais d'après la serveuse, c'est juste parce-qu'ils n'ont pas le temps de faire sécher les nappes propres avant de les réutiliser. Ca tourne trop vite. Pas d'espace pour le faire, ou pas assez de nappes en stock? Les deux, certainement.

Ce qui fait qu'en regardant autour de moi, je réalise que tout est fait comme ça, tout tourne au plus vite, il n'y a rien d'avance. Les restaurants vous annoncent une fois sur deux qu'ils n'ont pas le plat demandé. Pas d'épinards, pas de poulet, pas de crevettes aujourd'hui (mei you). C'est comme ça. L'autre jour, pas de viande du tout dans mon restau préféré car il n'avait pas été livré. On s'adapte. C'est comme ça, on prend autre chose.

Ca ne sert à rien de réserver à l'avance. Personne ne peut vous garantir qu'au jour dit, tout sera là dans les conditions attendues. Tout le monde fonctionne en flux tendu. On n'investit pas dans un stock minimal pour s'assurer une garantie de base. On ne gère pas les stocks, on les prend comme ils viennent. Ici, flexibilité maximum. Même, et surtout, pour le client.