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Pékinoscope
24 mai 2006

Hello...

Tant que je suis dans ma rue je suis relativement au calme. Mais sitôt entrée dans l'avenue principale, j'y ai droit. "Hello!" C'est toujours lancé sur un ton un peu provocateur, genre un peu comme on siffle une fille dans la rue. C'est bizarre car ils n'appellent jamais les Chinoises de cette facon, ni d'une autre façon d'ailleurs, je suppose qu'ils trouveraient ça très malpoli. Mais avec les étrangères, on dirait que c'est normal. Ca coule de source; c'est même un réflexe automatique on dirait, presque pavlovien, comme de caresser un chien quand il passe, on essaie d'attirer l'attention des étrangères. C'est peut-être aussi parce-qu'elles ne répondent jamais, alors on a l'impression que l'appel s'est perdu dans la nature, on ne risque rien en somme puisque de toute façon tout contact serait illusoire avec cet extra-terrestre qui ne fait que passer. Moi, en tous cas, je réponds très, mais alors très rarement. La première fois c'est marrant, on a l'impression qu'on étonne les gens, qu'on est un peu spécial. Mais avec une moyenne de cinq fois par jour, au bout d'un moment ça fait un peu beaucoup. Le plus énervant c'est le rire narquois, qui suit toujours l'appel dans mon dos. Et ça fuse toute la journée, des endroits les plus inatendus. Une camionnette vous double, un "hello" en sort instantanément. Vous passew devant un salon de coiffure, c'est tous les coiffeurs qui s'y mettent. Et en allant au bureau, tous les jours je change de trottoir à un certain moment car il y a un petit coin pourri avec des ouvriers et là c'est tous les matins. Pas moyen de marcher tranquille.

L'autre jour j'ai entendu derrière moi un jeune qui faisait remarquer que j'étais prétentieuse parce-que je ne répondais pas, mais vraiment je crois qu'il ne se rend pas compte de la fréquence de ce genre d'appels. Ce n'est pas du tout la même chose que la petite fille dans les escalators qui me voit, se tourne vers sa maman et lui dit "regarde, il y a une étrangère", puis me fait un grand sourire. Elle, je lui ai fait plein de signes de coucou car elle n'était pas en train de s'amuser à tester mes réactions comme un cobaye de laboratoire. Il y avait aussi cette dame l'autre soir dans le bus, qui m'a regardée longuement, puis l'a déclaré d'un air solennel: "how do you do?". Et puis le trajet avait continué comme il avait débuté, dans le calme; à la fin nous nous sommes saluées profondément avec un grand sourire. Toutes les deux.

Mais le côté bravade de ces "hello" qui fusent de partout, là franchement, je ne peux pas. Et pourtant, cela dénote tant de choses... D'abord de la puérilité. Mais surtout c'est le signe immanquable qui dénonce les gens de la campagne. Les gens de mon bureau n'en ont rien à faire que je passe. Seuls ceux qui croisent très rarement des étrangers sont émus au-delà de l'ordinaire. Certains ont quitté leur look de campagnards qui les dénonce comme des bouseux auprès des snobs pékinois, c'est le cas des jeunes coiffeurs venus chercher le rêve américain. Mais pour beaucoup l'assimilation des moeurs citadines n'est pas à l'ordre du jour. C'est le cas de tous ces hommes seuls, reconnaissables à leurs vieux habits sales et à leur casque jaune indévissable, et qui viennent de province pour construire les immeubles sur lesquels tout le monde s'extasiera en 2008 pour les JO. Combien les migrants peuvent être coupés du reste de la Chine, et combien ils sont coupés du reste du monde, alors même qu'ils passent des mois dans la capitale, tout s'exprime dans cette fascination injustifiée, dans cette soudaine surprise qui leur arrache des hello et des rires en pagaille. L'autre jour j'ai traversé une rue au milieu d'un groupe de migrants qui se dirigeaient vers un chantier. L'un d'entre eux a remarqué ma présence, il l'a signalée à son voisin, qui s'est retourné, puis le troisième et ainsi de suite jusqu'au dernier, et à ce moment-là plus personne n'osait dire un mot, jusqu'à ce qu'ils atteignent leur chantier. Il était 21h. C'était l'équipe de nuit.

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