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Pékinoscope
7 août 2008

Tourisme et journalisme

Déjà que d'habitude je suis toujours agacée par le ton utilisé pour parler de la Chine dans les médias français, mais en ce moment ça relève carrément de la torture. A la radio, les journalistes ne peuvent jamais s'empêcher de conclure tous leurs reportages par un "... dans la Chine communiste" ou "au pays de Mao" qui en dit long. Est-ce que c'est important de rappeler que la Chine se prétend communiste quand on fait un reportage sur la pollution du site olympique de Qingdao, ou sur le fait qu'ils sont capables de faire pleuvoir par exemple? M'est avis que c'est juste un moyen de rendre le papier sexy en balançant un bon vieux cliché bien de chez nous.

 

D'habitude, disais-je, ça m'agace, mais alors en ce moment vous l'imaginez bien, c'est carrément du harcèlement. Ils ont tous envoyé une armada de journalistes accrédités qui y vont chacun de leur récit de voyage. Comment qualifier autrement tous les témoignages que j'entends sur France Inter ou France Infos, d'autant que, c'est vrai, les pauvres n'ont pas beaucoup l'occasion de sortir de leurs hôtels? Messieurs, puis-je vous rappeler que la moitié des Français de Pékin sont journalistes, qu'ils n'attendent que ça de vous faire une pige, et que n'importe lequel d'entre eux vous fera beaucoup mieux que ceux, aussi doués soient-ils, qui débarquent et qui tombent illico dans le piège de la "poudre aux yeux", dont, on le sait, la Chine est l'empire.

 

Le pire c'est qu'ils ont l'impression de faire le contraire et de dénoncer l'encadrement très présent dont ils sont l'objet. En témoignent ces reportages très nombrilistes sur le traitement -horrible!- que subissent les journalistes. A peine sortent-ils de leur chambre qu'ils sont accompagnés par des dizaines d'hôtesses. Ils ne peuvent sortir sans avoir des guides bénévoles accrochés aux basques et qui veulent leur présenter le pays sous son meilleur jour, en français. Où qu'ils soient, ce sont non pas un ou deux, mais des dizaines de personnes qui s'empressent autour d'eux. Et c'est partout comme ça: même les comités de quartier sont réquisitionnés pour surveiller les "gens bizarres". En bref, les journalistes sont pratiquement en résidence surveillée.

 

Eh bien messieurs, je suis désolée de vous l'annoncer, mais vous n'êtes pas des hôtes exceptionnels à ce point-là. N'importe qui vous le dira, cette situation est d'une banalité absolue dans ce pays. Entrez dans n'importe quel restaurant et vous constaterez que l'effectif est pléthorique et d'ailleurs leur efficacité est inversement proportionnelle à leur nombre. Il me semble que c'est un peu le cas dans de nombreux pays "en voie de développement". Quand vous êtes un invité officiel quelque part, on veut toujours garder un oeil sur vous parce que vous êtes précieux et que s'il vous arrivait quelque chose, vos hôtes seraient sacrément dans la panade... Et j'ai déjà eu l'occasion de bloguer sur ma propre voisine, retraitée, et qui se promène à longueur de journée dans la rue avec son brassard rouge et qui surveille effectivement le quartier. Elle fait ça à longueur de l'année, et oui, c'est vrai, elle s'empressera de signaler tout élément suspect. Mais les JO ne sont qu'une occasion parmi d'autres de ne pas trop s'ennuyer dans sa vie de retraitée.

 

Il y a plein de manières de parler de la société chinoise pour dire des trucs intéressants, mais de grâce, ne faites pas passer ce qui relève de la banalité du quotidien pour un événement absolument extraordinaire et symbolique du totalitarisme chinois. C'est un pays fascinant et dur, oui, mais très différent de tous ces clichés.

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