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Pékinoscope
18 avril 2012

Pink slime

Je n'ai pas la télé, et je ne suis pas de très près l'actualité américaine. Mais une affaire a quand même trouvé son chemin jusqu'à moi: le "pink slime". Il s'agit d'une "substance visqueuse de couleur rose" (traduction littérale) qui est utilisée comme additif bon marché dans la viande de boeuf hachée. Ce sont des fragments de viande, de tendons, de gras et de ligaments qui ont été séparés d'autres éléments à l'aide d'une centrifugeuse, hachés puis traités à l'ammoniaque ou à l'acide citrique contre les bactéries. Une démo par Jamie Oliver ici.

La loi américaine permet de vendre du steak haché comprenant jusqu'à 15% de ce truc sans le mentionner sur l'étiquette. Le seul moyen d'être sûr que votre viande ne contient pas de pink slime est donc d'acheter bio ou bien de repérer si un fabricant communique spécifiquement sur le fait que sa viande est "sans pink slime". Ce qui a créé le scandale, c'est que les cantines scolaires publiques sont fournies avec de la viande qui en contient. Suite à des pétitions, le gouvernement américain a annoncé qu'il offrirait d'autres options à partir de l'année prochaine, et en attendant les cantines cherchent à se fournir ailleurs, mais il leur est parfois difficile de trouver des fournisseurs qui n'utilisent pas de pink slime ! En attendant, plusieurs chaînes de supermarchés et de fast-food ont annoncé qu'ils cessaient de vendre de la viande contenant cet additif, conduisant le principal fabricant de pink slime à fermer plusieurs de ses usines.

Tout ça pour dire que dans ce pays, on a quand même des standards assez bas quand il s'agit de définir la limite minimale de ce qu'on peut proposer à manger aux gens. D'ailleurs pendant longtemps, le pink slime était utilisé seulement dans les aliments pour chien, jusqu'à ce que quelqu'un y voit une super opportunité de business dans les aliments pour humains. Décidément, on n'arrête pas l'innovation.

Cela résonne avec une impression que j'ai eue en allant me fournir en légumes bio dans les supermarchés du coin. En France, le bio est considéré par beaucoup de gens comme une excentricité de gens un peu baba-cool qui veulent "revenir en arrière", et "abandonner les bénéfices" de la modernisation de la filière agro-alimentaire. Pas mal de gens en France pensent que le bio est moins sûr que le conventionnel et moins bon pour la santé, parce qu'on n'a pas utilisé de produits chimiques pour désinfecter les légumes (si si, je vous assure, j'ai entendu ce genre d'inepties assez souvent). Aux Etats-Unis au contraire, le bio m'a plutôt l'air d'être plébiscité par les riches, qui n'ont aucune confiance dans les procédés de fabrication industriels, et qui sont donc prêts à mettre des sommes importantes dans des aliments bio, qui sont, ici, vraiment beaucoup plus chers. Le pink slime, c'est bon pour les pauvres.

Et cela résonne aussi avec la série de scandales alimentaires qui ont eu lieu en Chine pendant que j'y étais, en 2007. Il y a eu le lait pour bébé empoisonné à la mélamine, parce que ça permettait d'améliorer artificiellement le taux de protéines, un super argument de vente. Et puis quelques mois plus tard j'étais tombée sur un reportage qui parlait de fermes bio qui produisaient exclusivement pour un réseau de distribution interne au parti, et secret. Là encore, on avait des gens privilégiés, qui étaient très conscients des dérives du système de production agro-alimentaire de leur pays, et qui payaient donc très cher pour y échapper. Mais qui ne montraient pas beaucoup d'empressement pour élever les standards de qualité destinés au reste de la population...

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